Au milieu de nulle part, dans l'immensité des fonds… des ancres... des canons...!
Ces ancres qui ne retiennent plus rien, qui ne sont plus reliées à leurs bâtiments.
Si leur fonction initiale fut de retenir leurs navires, maintenant c’est le fond marin qui les retient. Maintenant elles sont là, retenues pour une fonction inutile, alors qu’elles furent de naviguer et de servir de frein, tels ceux d’une voiture alors qu’elle stationne. Aujourd’hui ces ancres sont immobiles, ne servent plus à rien, Les courants, les vagues, la houle, les tempêtes ne les émeuvent plus.
Elles sont devenues la propriété du milieu dans lequel elles reposent, les éponges, les gorgones, les coraux se sont fixés sur ces corps morts, ces constructions les ont enveloppé et les poissons les ont occupé.
Depuis le jour où j’ai découvert des ancres, chaque fois dans des positions différentes, dans des milieux différents, à des profondeurs différentes, ces découvertes m’ont toujours fasciné, spontanément, chaque fois je me suis interrogé, j’ai essayé de m’imaginer pourquoi et comment ces ancres sont fixées en ces endroits; bien entendu, on pense de suite qu’elles sont là et qu’elles témoignent d’un naufrage, et c’est vrai concernant presque toutes ces ancres que j’ai rencontrées au cours de tant d’explorations sous-marines à travers le monde.
Toutes ces ancres, je les trouve majestueuses, et je me laisse aller à les comparer à ces vieilles personnes, alors qu’elles sont devenues moins actives, voire plus du tout, mais qui ont vécu tant d’évènements et qui pourraient raconter tant d’histoires, donc toutes ces personnes et ces ancres sont hautement utiles, elles sont pour nous les témoins de notre histoire, de notre passé, qui sans lui, il n’y aurait ni présent, ni future.
Ce qui est vrai pour ces ancres, il en de même pour les canons et les hélices, puis pour les épaves dans leur ensemble.
DES ANCRES …
Segment de l'organeau d'une ancre du galion: le “San Diego“. Ce corail de la famille des “Tubinarias“ en a fait son support.
Sortie de l’eau d’une ancre du galion : le “SAN DIEGO“ durant la première mission de fouille en 1992.
Ancre, par 36 m de fond, du galion espagnol : le “SAN JOSE“ qui a fait naufrage en 1694. Près de l’île de Lubang, aux Philippines.
Une ancre de l’épave d’un galion du 16ème, (30 canons), près de Cayos De Los Indios, au nord de l’île de la Juventud
(Cuba – 1984)
Epave de Cayos De Los Indios, au nord de l’île de la Juventud. (Cuba – 1984)
18 ancres, du lest ou du commerce?, sur ce galion de la VOC (en néerlandais: Vereenigde Oostindische Compagnie, en anglais: Dutch East India Company)…
…le “EARL TEMPLE“, naufragé en 1763 en mer de Chine du Sud, sur le récif Thitu, Pagasa.
Spratly. Mission 1996.
Jonque Chinoise de l’époque de la dynastie Song (960/1279). Deux missions de fouilles (1991 – 1996) ont été effectuées sur le récif de Breaker, en mer de Chine du Sud, au Sud-Ouest de l’île de Palawan, aux Philippines.
Jas d’ancre, en granite, de cette jonque chinoise de l’époque Song, qui a fait naufrage sur le récif “BREAKER“ en mer de Chine; Je l’ai retrouvé chez un pêcheur dans un village près de l’île de Cebu. L’extrémité a été cassée, pensant que cet objet était creux et pouvait contenir quelque chose, dont “de l’or“ !
Jas d’ancre, en granite, d’une jonque chinoise de l’époque de la dynastie Song (960/1279), qui a fait naufrage sur le récif “INVESTIGATOR“, en mer de Chine du Sud, au Sud-Ouest de l’île de Palawan, aux Philippines.
Epave entièrement recouverte par une importante couche de corail très compact.
Ce jas d’ancre se trouvait sous 50cm de corail.
Mission de fouilles : avril, mai, juin 1990…
Des ancres que l’on peut voir à l’extérieur :
DES CANONS …
DES HELICES …
Que de mystères nous cachent ces naufrages !
Il est rapporté que durant un naufrage, lorsque le Capitaine se rendait compte que tout était perdu, il mettait ses trésors au fond d'un canon et mettait des boulets par-dessus jusqu'à la gueule. Sur l'épave du galion le "EARL TEMPLE, J'ai trouvé ce canon chargé de boulets. Bien entendu, connaissant cette histoire, j'ai enlevé un premier boulet, puis un deuxième, un troisième et puis c'est tout, ce fut impossible d'en enlever d'autres … Alors une fois de plus, la mer gardera pour elle la fin de cette histoire …
Textes et photos par Gilbert Fournier