Les jarres au fil de mes plongées

 

La découverte et l’histoire de ces jarres, m’ont fait revivre mon voyage personnel depuis mon enfance jusqu’à ces nombreuses aventures asiatiques.

 
 

Jarre de Recin

C'est peu de temps après avoir découvert les jarres de la Mer des Sulu que des images, enfermées depuis bien des années dans ma mémoire, ont ressurgi.

   Ce sont donc ces jarres de la mer des Sulu qui ont fait revenir à la surface la vision de ce qu'on appelait alors le "saloir" et qui se trouvait dans la cave de la maison familiale de Recin. C'est dans ce saloir que nos grands-parents, puis nos parents jusqu'en 1950 environ conservaient la viande des cochons à la ferme: le lard et autres morceaux de viande étaient rangés en couches successives sans oublier de mettre une couche de sel entre chacune d'elle, lequel fondait en partie et se transformait en une saumure sursaturée, seule possibilité d'alors qui permettait de  conserver la viande: on ne parlait pas encore de "frigo"!

C'est à l'occasion d'une visite que j'avais faite à mon frère, resté non loin du hameau familial, que je fis la relation entre ce saloir et les jarres des Sulu. Très attaché à ce genre d'objet, il avait eu la très riche idée de le récupérer.

Jarre de La Font

Et puis, plus tard, la pratique de la plongée sous-marine, m’a amené à découvrir bien des choses que je n’imaginais pas dans ce milieu. D’abord dans un plan d’eau, une résurgence qui se nomme “La Font“, situé au centre de la ville de Lure, en Haute Saône, Dans ces endroits j’y ai découvert de nombreux objets antiques, jetés là pour certaines raisons, à des moments incertains, dont cette jarre, qui ressemble à celle que porte la dame sur ce tableau du célèbre artiste Daniel Ridgway Knight (1839 - 1924).

Tableau de Daniel Ridgway Knight (1839 - 1924)
On the Terrace at Rolleboise”

 Jarres du site du Planier

Près de Marseille, au sud de l’îlot et phare du Planier, situé à 12 kilomètres au sud de la Pointe Rouge, (à 9 km au sud du village des Goudes), qu’au cours d’une plongée avec mon ami Luc Vanrel, par 32 mètres, nous avons découvert un site d’amphores de l’époque romaine, datant du 1er siècle. Bien que ce site ayant été très largement pillé, je fus assez impressionné de découvrir ces nombreux restes de jarres, même en cet état.

 Jarres - Israël

J’ai découvert ce site archéologique au cours d’une expédition en Mer Rouge, en 1980, dans la région de Di-Zahav, (nom que portait ce village bédouin à cette époque). Situé sur la côte est de la péninsule du Sinaï. Depuis la guerre des 6 jours en 1967, cette région était occupée par Israël. En 1982, à la suite du traité de paix Egypte – Israël, ce village a repris son nom originel de Dahab.

Ces jarres sont des jarres à huile, sans doute provenant du naufrage d’un navire en provenance d’un pays Méditerranéen et pouvant dater du 17/18iem siècle ?

Jarres - Baie d’Aboukir (Egypte)

En Egypte, en 1984, j’ai été appelé à participer à la recherche et à la fouille de L’ORIENT, le vaisseau amiral de la flotte napoléonienne, coulé en baie d’Aboukir, le 1er août 1798.

Au cours de ces recherches, il m’est arrivé plusieurs fois de découvrir des jarres de l’époque romaine, ce qui témoigne de l’existence du commerce entre les pays Méditerranéens depuis des millénaires. Puis, durant les jours de mauvais temps, qui nous empêchait de nous rendre sur le site de travail en mer, j’en profitais pour découvrir la ville d’Alexandrie et d’y découvrir monuments, histoires et des jarres encore en service à ce jour.

 

Jarres - site de Maubo

Au mois d’octobre 1985, je suis venu aux Philippines pour travailler à temps complet au sein d’un groupe (WWF), pour des recherches et des fouilles archéologiques.

La première mission, en mer de Sibuyan, au centre des Philippines, fut la fouille d’un petit bateau local, par 32 mètres, sur un fond épais de vase noire, donc avec une visibilité pratiquement nulle, surtout après avoir travaillé quelques minutes pour atteindre la coque de ce bateau. Bien entendu, j’ai été bien déçu par la qualité de ces premières plongées aux Philippines. En fait, les 23 jours de travail sur ce site nous ont permis de ne découvrir que quelques objets utiles à bord et 9 jarres, de type local..

 
 

 Jarres - site de Verde Island

A la suite de ce premier site, nous avons travaillé sur un galion, le “Señora De la Vida, qui en 1621 a fait naufrage sur la côte de “Verde Island“ (Ce lieu en mer est le détroit qui sépare les îles de Luzon et de Mindoro). Bien entendu, de ce galion il n’en restait que la quille, qui fut quand même intéressante à mettre complètement à jour et à étudier. Au pied du tombant, dans le prolongement de cette quille, à 25 mètres, je n’ai découvert que ces restes de jarre..

Jarres - site Investigator shaol

En 1989, en mer de Chine du sud, Fouille d’une jonque chinoise de la période de la Dynastie Song du Nord, XIe siècle (960 -1279) . Sur un récif qui se nomme “Investigator Shoal“. Un site qui fut déjà très largement pillé, mais sur lequel, malgré tout nous avons découvert de nombreux objets. Trois jarres ont été découvertes, dont une a particulièrement attiré notre attention.

Les amphores, les jarres, ont servi pendant des siècles au transport de liquides dans toute la région méditerranéenne et de par le monde, par les jonques Chinoises dans toute l’Asie du sud-est et avec les voyages des galions européens autour du monde. Leurs formes varient selon les époques, leur origine et leur usage.

Grace à ces jarres nous savons qu’elles étaient aussi utilisées à d’autres transports, tel qu’on peut le constater à travers celles-ci : en fait lors de sa découverte, sous une épaisseur de 80 cm de corail très compact, nous ne savions pas qu’elle pouvait contenir quelque chose, c’est alors que lorsque nous l’avons soulevée, elle a éclaté et très surpris de voir apparaître une quantité d’anneaux de cuivre de 10cm de diamètre (45kg). Grace à des cassures très franches, j’ai pu aisément la reconstituer.

 

 Jarres - site Breaker reef

A la suite de la fouille de la jonque d’Investigator, nous avons travaillé sur une autre Jonque chinoise, toujours en Mer de Chine du sud, sur un récif qui porte le nom de “Breaker Reef“. Cette jonque datant également de la période de la dynastie des Song du Sud XIIIe siècle (960 – 1279).

Là aussi, nous avons découvert des jarres qui étaient utilisées pour transporter des objets tels que plats, bols, vases etc.. Cette photo nous montre comment ces objets étaient conditionnés à l’intérieur de ces jarres. Parfaitement empilés, les espaces vides étaient comblés par des écorces de riz.

 Jarres du galion “San Diego”

Le “San Diego“ – Galion qui a coulé le 14 décembre 1600, à la sortie de la baie de Manille. On peut dire que durant un tel naufrage, ce navire a rejoint le fond assez lentement, à cause de sa structure en bois, de l’air contenu dans son ensemble et de son ballastage qui le garde en position debout. Ceci peut expliquer qu’il a été découvert en cet état, avec une grande quantité d’objets encore en leur place initiale. Bien entendu, au cours des siècles les structures se détériorant, les objets se déplacent, mais tellement progressivement que cela se passe sans être détériorés. C’est alors qu’après quelques jours de recherches par les moyens sophistiqués utilisés par des spécialistes pour notre groupe, que ce 24 avril 1991, lors d’une mémorable plongée, par 52 mètres de fond j’ai découvert le galion le “San Diego“, complet, qui n’avait pas été vu depuis son naufrage et que j’ai été en mesure de photographier, entre autres, ces jarres qui attendaient ici depuis 391 ans.

Ma première vision fut une jarre qui était posée à côté d’un jas d’une des 2 ancres. Puis de nombreuses autres, des jarres apparentes couvertes de coraux et de spongiaires, d’autres près d’un canon, c’est alors que toutes ces jarres en surface de l’épave faisaient l’objet de logement pour un grand nombre de poissons, particulièrement pour ces grandes murènes léopard, l’une des plus grandes murènes de l’océan Indopacifique.

Ce poisson ange (Pomacanthus semicirculatus) inspectant une jarre du San Diego

Durant la mission de fouille de ce galion, nous avons découvert la quantité impressionnante de plus de 800 jarres.

Pour l’histoire et la découverte de ce galion: cliquer ici.

 

Jarres - site Ellis Shoal en Mer des Sulu

Ellis Shoal – Situé en mer des Sulu – A quelques kilomètres au nord de la pointe de Bornéo. Par 45 mètres, un fond de sable blanc, uniforme, balayé par un courant violent.

Quand même j’ai visité ce site, hélas également largement pillé. De nombreux et magnifiques objets y ont été découverts : des jarres et beaucoup d’objets bleu/blanc datant de la période de la dynastie Ming, durant le règne de l’empereur Hungzhi – fin du 15iem et début du 16iem siècle. (1450 to 1500).

 
 
 

Jarres de la jonque de Pandanan

Pandanan – L’épave de cette jonque chinoise, au pied d’un tombant, par 42 mètres de fond, a été découverte par un plongeur travaillant dans cette zone située dans le passage de la mer de Chine du sud vers la mer des Sulu. La direction de la fouille de cette jonque m’a été confiée, c’est alors que durant trois mois, en collaboration avec le national muséum de Manille, nous avons travaillé au sauvetage des nombreux objets de cette jonque.

Sur des pièces de monnaie découvertes en parfait état, on peut aisément lire la date 1414, On peut donc supposer que ce naufrage a eu lieu durant la période de l’empereur Yong Le de la dynastie Ming, qui a régné de 1402 à 1424.

Quelques photos de jarres découvertes lors de la fouille de cette jonque.

Sur une jarre on peut voir ce motif : le "KALA", une créature vorace de la mythologie indienne.

 
 
 
 

Jarres de Raza

Ile de Raza – Située sur la côte Est de l’île de Palawan, à 70 km au sud de Puerto Princesa. A 7 km au large de cette petite île de Raza, il est un site archéologique, par 45 mètres de fond, que des plongeurs locaux ont découvert et comme très souvent, ont prélevé de nombreux objets avant de nous demander d’intervenir.

Les objets découverts sur ce site ne ressemblaient à aucun autre découverts sur les sites sur lesquels j’ai travaillé jusqu’à ce jour. N’ayant aucune référence pour dater ces objets, j'en ai envoyé deux au "Centre de datation par le carbone 14", à l'université Claude Bernard Lyon 1.

Réponse : “Voici le résultat définitif de votre échantillon Philippin RAZA

Ly- 8949 - 2195 +- 60 BP ce qui donne un intervalle après correction de : - 372 à - 68 avant J.-C.

Les jarres et les objets usuels découverts sur ce site étaient-ils le contenu d’une embarcation locale ? Des ossements ont également été trouvés sur le site … Donc autant de questions sans réponse.

En fait, à travers les jarres, ce document m’a fait revivre mon voyage personnel depuis mon enfance jusqu’à ces nombreuses aventures asiatiques.

 
 
 

Galion “San Diego” - Mars 1992 - 52m