Les Tarets de Tagbac

    Cette histoire de la découverte de tarets se passe en mer de Chine du Sud, au sud de l’île de Lubang, devant le village bien tranquille de Tagbac, durant le travail de fouilles du galion espagnol le “SAN JOSE” qui a fait naufrage le 4 juillet 1694.

J’ai évoqué également ce lieu-dit dans une autre aventure intitulée: “Histoire d’un petit poulpe aux anneaux bleus

Ile de Lubang PH.jpg

Au cours des travaux de fouilles de ce galion, nous avons mis à jour un plancher, d’une surface assez importante et en très bon état de conservation, recouvert de sable vaseux et de corail broyé par les mouvements de la mer, par seulement deux mètres de fond.

A une centaine de mètres plus à l’est de ce plancher, il y a un tombant, le fond se trouve à 26 mètres. Cet endroit se situe à l’embouchure d’une rivière en provenance de l’île, ce fond est constitué principalement par les alluvions apportées par cette rivière.

Au cours de ma première plongée en cet endroit, assez sombre à cause de ce fond vaseux, j’ai découvert ces étranges coquillages, en fait ce sont des “TARETS”, d’une longueur et d’un diamètre peu communs. Tous ceux que j’ai pu voir jusqu’à ce jour dans certains musées et revues, ne dépassent pas les 20 centimètres de long.

Sachant que ces animaux croissent en se nourrissant principalement de bois, alors de suite le rapprochement a été fait que très probablement en cet endroit, d’importantes structures de bois pouvaient se trouver là, et sans aucun doute en provenance du galion le “San Jose”. Effectivement, très vite sont apparues des pièces de bois assez importantes et très bien conservées du fait de ce milieu vaseux et avec l’apport d’eau douce en provenance de la rivière.

 

 - M.L’Hour, Dr. (DRASM) nous dit qu’il s'agit là de la courbe monoxyle qui faisait la jonction angulaire entre l’extrémité de la quille et le départ de l'étambot.

Certains de ces tarets que j’ai remontés mesurent 85cm de long et 6cm de diamètre.

Ces vers marins se nourrissant de bois, je pense que pour atteindre cette taille, ceux-ci ont dû festoyer dans le “San Jose”, durant de nombreuses années.

 
Taret 85cm Gilbert Fournier.jpg
Taret 78cm Gilbert Fournier.jpg
 
Taret Gilbert Fournier.jpg
Taret 2 Gilbert Fournier.jpg
Taret 66cm Gilbert Fournier.jpg
 
Taret 6cm diametre Gilbert Fournier.jpg
Taret 4cm diametre Gilbert Fournier.jpg
 
Taret Marseille Gilbert Fournier.jpg

Si l’on tient compte de ce qu’on peut lire à leur sujet dans tous les documents spécialisés, les marins redoutaient ces vers qui se mettaient dans les bois et s’en nourrissaient, ils étaient les termites sous-marins.

Les bois immergés dans la mer (bordages de navires, pilotis, pontons, etc...) peuvent être minés par divers animaux dont l'action destructive est parfois considérable.

Description. — Ces mollusques sont vermiformes, très allongés; une faible partie de leur corps, comprenant les viscères, à l'exception des branchies; est protégée par la coquille qui est relativement très petite, mais nettement divisée en deux valves. A l'extrémité postérieure du corps sont deux longs siphons partiellement réunis et deux petits appendices calcaires.

Biologie. — On ne connaît pas encore, de manière complète, la biologie d'aucune espèce. Toutefois il semble maintenant bien établi que, dans le forage du bois par les tarets, il n'y a pas d'action chimique, mais une action mécanique : c'est en imprimant aux deux valves de leur coquille un mouvement de rotation que les animaux creusent, grâce aux fines denticules de la partie antérieure, les longues galeries qu'ils habitent dans le bois. Au fur et à mesure qu'ils avancent, les tarets tapissent les parois de leurs galeries d'une sécrétion calcaire tubulaire, plus épaisse dans les bois tendres et poreux que dans ceux qui sont durs et compacts. En général, le forage ne s'effectue que pendant une partie de la vie de l'animal qui peut continuer à vivre, se nourrir et se reproduire après avoir cessé d'agir mécaniquement. La sciure produite au cours du forage est ingérée, au moins partiellement, par le taret, mais sa nourriture essentielle est, comme pour la plupart des Pélécypodes, le plancton, entraîné avec l'eau dans l'intérieur du plus long siphon par deux petits tentacules. Par l'autre siphon sont évacués à l'extérieur, en suspension dans l'eau, la fine sciure provenant du forage, les déchets alimentaires et les produits sexuels. La taille des individus, et par cela même les dimensions des galeries forées, dépendent de l'espèce, de la situation de l'animal et des obstacles rencontrés dans le creusement du bois.

Ministère de l’agriculture administration des eaux et forêts commission d'études des ennemis des arbres, des bois abattus et des bois mis en œuvre bulletin n° 17 les tarets et autres animaux marins attaquant les bois immergés.

Plus d’informations sur : https://en.wikipedia.org/wiki/Teredo_navalis

 
bois dévoré par tarets.jpg

Pieu dévoré par les tarets.

Vu à Silahis Museum - Intramuros - Manille
Photos GF

 
 
 

Pièce de bois, très dure, prélevée durant la mission de fouille en 1997, sur le galion de la VOC , le “Earl Temple” naufragé sur le récif Thitu, sur l’île de Pagasa, dans l’archipel des Spratly - Mer de Chine. La galerie de ce taret ne mesure que 1,2cm de diamètre et 21cm de longueur.

 
 

Pour se protéger de cette action destructive considérable et rapide des tarets, les bordages des navires, et comme ici, nous montrant une petite partie de cette construction monumentale qu’était le gouvernail de L’ORIENT, le vaisseau amiral de la flotte Napoléonienne, coulé en baie d’Aboukir le 1er août 1798, ses dimensions étaient de 1,88m de large à sa base - 12,65m de haut - 50cm d’épaisseur. La coque, de même que le gouvernail de L’Orient étaient totalement recouverts de feuilles de cuivre, fixées par des clous en cuivre de 3cm de long, dont toutes les têtes étaient soudées à l’étain, dans le but d’en assurer l’étanchéité, avec comme objectif premier d’empêcher les attaques des tarets.

(Durant la mission de fouille qui eut lieu en 1984, j’ai réalisé un plan complet de ce gouvernail, ce plan est consultable aux archives de la DRASM, à l’Estaque, près de Marseille.)

 

Textes et photos par Gilbert Fournier

 

Retour